Les monstres de ma vie by Frédéric Veille & Fidji Gibert

Auteur:Frédéric Veille & Fidji Gibert [Frédéric Veille & Fidji Gibert]
La langue: eng
Format: epub
Éditeur: City Éditions
Publié: 2020-07-09T09:09:27+00:00

11

Thomas et moi

Deux mois déjà que je vivais avec Thomas. Nous étions heureux. Et même si nous commencions à vivre un peu dans la routine, cela nous convenait. C’est alors que Thomas m’a surprise. Je me revois encore, assise sur le canapé, lui s’approchant de moi tout en s’appuyant sur le mur. Il m’a dit :

— Fidji ! Tu aimerais avoir des enfants un jour ?

— Euh non ! Je n’aime pas vraiment les enfants.

— Parce que, tu sais, dans ma famille, mon frère est papa, ma sœur essaye d’avoir un bébé et moi, je commence à me faire vieux. Je n’ai pas envie d’être encore la honte de mon père. J’aimerais avoir un enfant de toi.

— Pardon ?

D’un coup, j’étais estomaquée. Cette demande était si soudaine, si inattendue que je lui ai répondu du tac au tac :

— Ah non, je suis désolée, il en est hors de question !

— OK, je comprends.

Thomas était visiblement déçu de ma réponse. Son visage si souriant s’était en un instant refermé. Il venait de prendre un ballon de basket en pleine tête. Assommé. Certainement surpris aussi de la réponse qui avait fusé en une fraction de seconde.

Mais j’étais ferme et objective. Je n’avais que seize ans. J’étais trop jeune, ma vie était instable et, honnêtement, toutes les conditions n’étaient pas réunies pour avoir un enfant. De plus, nous n’étions ensemble que depuis quelques mois. Il était beaucoup trop tôt pour parler bébé. Et puis Thomas était malade. Il devait régulièrement se faire des piqûres à cause de sa thrombose

Sa demande me trotta dans la tête durant plusieurs semaines. Nous étions heureux, amoureux, j’étais dévouée à son bonheur et lui était ravi que je lui porte attention. Mais lui m’en accordait de moins en moins. Thomas partait souvent en week-end chez son père, n’hésitant pas à me laisser seule avec sa mère à la maison. Et plus les semaines défilaient, plus il passait ses après-midi à dormir ou à jouer aux jeux vidéo. Notre couple se dégradait. Je le ressentais. Notre routine était devenue oppressante. Nous finissions par devenir des inconnus dans trente mètres carrés. Je ne voulais pas le perdre malgré nos disputes de plus en plus nombreuses. Je me sentais coupable. Qu’avais-je fait pour qu’il me mette de côté ? Pourquoi regardait-il sa belle-sœur avec des yeux emplis de désir ? Un regard qu’il ne portait plus sur moi.

Malgré la décision irrévocable de la directrice de me renvoyer de son établissement, je continuais de venir au lycée.

— Qu’est-ce que vous faites ici, mademoiselle Gibert ?

— Je viens en cours comme vous me l’avez demandé, madame.

— Mais tu as été virée, tu dois le savoir. Donc maintenant, tu prends ton sac et tu sors de mon établissement.

J’avais essayé. Je pris mon sac avec colère, fis un dernier au revoir à mon amie et rentrai, enragée par cette injustice. Le lycée m’avait renvoyée pour mes nombreuses absences. Mais personne dans cet établissement ne s’était posé la question de savoir pourquoi j’étais souvent absente. Ils n’avaient pas voulu m’aider car j’étais une fille des mauvais quartiers.

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